Driver pulsé:
Une autre méthode de mise au point des amplificateurs RF de puissance
Joël REDOUTEY F6CSX
Le système que nous allons décrire est destiné à la mise au
point des amplificateurs RF de puissance (PA) dans la gamme s’étendant des
bandes décamétriques au 13cm. Il est constitué d’une boite que l’on appellera
pulseur qui s’intercale entre un générateur RF et le PA en test. Ce système
permet de faire fonctionner le PA en régime pulsé, à faible rapport cyclique,
c’est-à-dire pendant un temps très court devant la période de récurrence.
Sa puissance crête sera donc égale à sa valeur nominale, mais sa puissance
moyenne sera très faible, d’où une diminution drastique de l’échauffement, de la
consommation et des risques dus à la désadaptation en cours de réglage.
Régime pulsé
Le régime pulsé consiste à faire fonctionner périodiquement un
appareil pendant un temps très court. Le rapport entre le temps de
fonctionnement et la période T (inverse de la fréquence) est appelé rapport
cyclique et noté α (duty cycle D dans la littérature anglo-saxonne). C’est un
nombre sans dimension compris entre 0 et 1, souvent exprimé en %. Durant la
phase de marche, le circuit fonctionne de manière nominale. Durant la phase de
repos, il est à l’arrêt.
Prenons l’exemple d’un émetteur CW de 100W transmettant une série de points. Si
la durée du point est égale à l’espace entre 2 points, nous sommes en présence
d’un régime pulsé de rapport cyclique 50%. La puissance crête transmise est bien
de 100W, mais la puissance moyenne n’est que de 50W.
Si nous augmentons l’espace entre 2 points, nous pouvons diminuer le rapport
cyclique jusqu’à une valeur très faible. Si par exemple, l’espace entre 2 points
est égal à 9 fois la durée du point, le rapport cyclique sera de 10% et la
puissance moyenne de 10W.
Observons maintenant l’aiguille du wattmètre de notre émetteur. Si nous manipulons à très faible vitesse, nous verrons l’aiguille monter puis redescendre, mais si nous augmentons la vitesse, nous verrons l’aiguille frétiller à une valeur intermédiaire. En augmentant encore la vitesse, l’aiguille finit par se stabiliser à une valeur égale à la puissance nominale multipliée par le rapport cyclique. Autrement dit, l’aiguille du wattmètre de notre émetteur de 100W indiquera 10W si le rapport cyclique est de 10%. Ceci est dû au fait qu’un galvanomètre à cadre mobile est sensible à la valeur moyenne du courant qui le traverse. Si la période T est suffisamment faible devant la constante de temps du galvanomètre, l’aiguille prendra une position stable.
Intérêt du système
La première mise sous tension d’un PA est souvent source de
stress autant pour les composants que pour l’opérateur… Ce système permet une
mise au point en toute sécurité sous tension et puissance nominales, sans risque
de casse et sans échauffement excessif puisque le PA fonctionne en régime pulsé
à très faible rapport cyclique.
L’alimentation du PA ne devra fournir qu’une puissance réduite. On pourra donc
mettre au point un gros PA avec une petite alimentation, ce qui limite beaucoup
les risques. Prévoir cependant une capacité tampon suffisamment grande pour
pouvoir fournir l’intensité nécessaire durant le temps de fonctionnement. La
capacité nécessaire se calcule par la formule approchée par excès C= I∆t/∆V où I
est l’intensité consommée par le PA, ∆t le temps pendant lequel le PA fonctionne
et ∆V la chute de tension admissible durant la période de conduction.
Prenons l’exemple d’un PA qui consomme 5A sous 24V. Nous allons le faire
fonctionner en régime pulsé à 100Hz et 20% de rapport cyclique. La période est
donc de 10ms et le temps de fonctionnement de 2ms. Supposons qu’on admette que
pendant ces 2ms la capacité se décharge de 1V. La valeur de la capacité
nécessaire sera donc d’environ C=5.2.10-3/1 = 10 000µF
Principe du pulseur
Le circuit se compose essentiellement d’un modulateur de
largeur d’impulsion (MLI ou PWM) contrôlant un interrupteur à courant continu et
un interrupteur RF (figure 1). La fréquence de la MLI est réglable d’environ
40Hz à 300Hz et le rapport cyclique de 0 à 100%.
La puissance délivrée par le générateur RF, typiquement 10dBm, n’est en général
pas suffisante pour attaquer correctement le PA. Dans ce cas il est nécessaire
d’utiliser un amplificateur intermédiaire pour atteindre le niveau de puissance
d’excitation requis par le PA en test. Celui-ci sera alors placé entre le switch
RF et le PA, et pourra être alimenté par la tension pulsée (ceci n’est pas
obligatoire car l’entrée du booster est en permanence chargée par 50Ω ce qui
limite les risques d’instabilité). Dans le cas d’un amplificateur linéaire, la
tension de polarisation du PA pourra être prise sur la tension pulsée.
Figure 1 - Schéma de principe du système
Description du circuit pulseur (voir schéma)
Le générateur de dents de scie
On utilise un timer 555 monté classiquement en astable dans
lequel, la charge de la capacité C1 ne se fait pas à travers une résistance,
mais via le transistor Q1 monté en générateur de courant. Son intensité est
ajustée par le potentiomètre de réglage de la fréquence RV1.
Le condensateur C1 étant chargé à courant constant, la tension à ses bornes
croit linéairement.
On obtient aux bornes de la capacité C1 une tension qui croit linéairement entre
1/3 et 2/3 de la tension d’alimentation Vcc.
La décharge de C1 s’effectue à travers le 555, jusqu’à ce que la tension
atteigne 1/3 de Vcc, ceci dure quelques µs. Ensuite, le cycle recommence et on
dispose aux bornes de C1 d’un signal en dents de scie.
Parallèlement, on récupère sur la sortie Q du 555 un signal rectangulaire qui
est mis en forme par le transistor Q3. Nous obtenons ainsi d’un signal de
synchronisation (niveau TTL) compatible avec la plupart des analyseurs de
spectre. Nous verrons son utilité par la suite.
A noter que l’impulsion de synchronisation arrive avant le début de la phase de
conduction, ce qui permet d’observer l’établissement de l’impulsion RF et la
présence d’un éventuel overshoot potentiellement dangereux, notamment avec les
amplificateurs à LDMOS.
Elaboration du rapport cyclique
La tension en dents de scie est appliquée aux entrées non-inverseuses d’un double comparateur LM393. Les entrées inverseuses reçoivent une tension continue variable entre (1/3) Vcc – Ɛ et (2/3) Vcc + Ɛ par l’intermédiaire du potentiomètre RV2. En sortie de comparateur (collecteur ouvert), on récupère un signal rectangulaire dont le rapport cyclique est proportionnel à la tension fournie par RV2 et ajustable entre 0 et 100%.
L’alimentation pulsée
Le premier comparateur attaque un transistor MOSFET canal P Q2
monté en série avec l’alimentation Vcc. Les transistors Q4 et Q7 assurent une
commutation correcte de Q2. Selon le choix de Q2, le courant disponible est plus
ou moins important. Avec un IRF9530, on dispose d’au moins 4A. La sortie 12V
pulsée pourra être utilisée pour alimenter un circuit driver ou la polarisation
du PA en test (bipolaire ou LDMOS). Une LED D1, branchée sur la sortie, fournit
un éclairement variable selon le rapport cyclique et sert de témoin.
Le circuit fonctionne pour Vcc compris entre 10 et 18V. Moyennant quelques
petites modifications, il est possible de le faire fonctionner jusqu’à 30V (non
testé pour l’instant).
Le switch RF
Le second comparateur commande un circuit switch RF SW-393 de
fabrication MA/com. Ce petit circuit en boitier SO8 est donné pour une plage de
0,5 à 2 GHz, mais il fonctionne très bien du 13cm jusqu’aux bandes décamétriques
basses! Sa sortie est commutée soit sur l’entrée, soit sur une résistance
interne de 50Ω, ainsi le circuit placé derrière voit toujours une charge
adaptée. Il s’alimente en +5V via un régulateur 78L05.
La perte d’insertion est de quelques dB et varie légèrement avec la fréquence.
L’isolation est supérieure à 40dB dans toute la gamme, elle est maximale vers
15MHz et atteint 70dB !
Circuit d’arrêt
Un interrupteur permet de forcer le rapport cyclique à zéro (switch
RF ouvert et switch d’alim ouvert). Cette fonction est très pratique lors de la
mise au point.
Il n’est pas possible d’utiliser l’entrée reset du 555 car cela provoque l’effet
contraire (rapport cyclique à 100%). On utilise la broche CONTROL du 555 en la
positionnant à +Vcc par l’intermédiaire du transistor Q6.
Option CW
Il est parfois possible d’utiliser son TX, en position CW comme générateur pulsé. Il suffit de connecter la diode d’un opto-coupleur en série avec la diode D1, les sorties de l’opto-coupleur attaquant l’entrée KEY du TX. Cependant certains TX n’acceptent pas une fréquence de manipulation élevée, c’est le cas notamment du FT817, il faudra donc faire des essais.
Réalisation du pulseur
Le circuit est réalisé sur un circuit imprimé double face en époxy de 0,8mm. Ses dimensions sont compatibles avec un boitier Schubert de 148x55x30 mm. On utilise des composants traditionnels sauf pour le switch RF monté en cms format 805 coté cuivre (4 condensateurs, 4 résistances et un ci SO8). Attention, le Switch RF SW-393 est très sensible aux décharges électrostatiques.
Figure 2 - Photo du prototype en cours de test
Figure 3 - Le switch RF est monté coté cuivre
Les photos des figures 4 et 5 montrent deux façons de monter le circuit dans le boitier.
Figure 4 - Réalisation de F6CSX
Figure 5 - Réalisation de F6BVA
L’alimentation s’effectue via une paire de douilles banane de
4mm et la sortie pulsée également sur des douilles banane (de 2mm ou 4mm).
La sortie synchro est disponible sur une embase BNC, l’entrée et la sortie du
switch RF se font sur des fiches SMA.
Le transistor MOSFET est monté contre la paroi par l’intermédiaire d’un isolant
mica recouvert de graisse silicone.
Les deux potentiomètres et l’interrupteur sont montés sur la paroi latérale du
boitier.
Le circuit ne nécessite aucune mise au point. Il faut cependant bien vérifier
que le bouton stop est bien actif quel que soit le réglage de la fréquence, du
rapport cyclique et la tension d’alimentation.
Alimentation du PA
Comme
indiqué précédemment, l’intérêt d’un système pulsé est de pouvoir utiliser une
alimentation sous-dimensionnée et limitée en courant. Ceci est possible à
condition d’avoir connecté une capacité réservoir capable de fournir l’énergie
pendant la durée du pulse. Cette capacité, doit être placée au plus près du PA,
ne pas oublier que dans les fils qui la relient au PA circule un courant pulsé
dont la valeur crête est égale à la valeur nominale du courant consommé par le
PA. Il faudra donc les dimensionner en conséquence.
Si la capacité de ce condensateur
réservoir est très élevée, attention à bien respecter sa polarité, en cas
d’inversion de polarité le condensateur peut éclater et causer de graves dégâts.
Il est fortement recommandé de connecter de manière permanente une diode en
antiparallèle ainsi qu’une résistance qui assurera la décharge du condensateur
après usage.
L’utilisation de cette capacité réservoir ne dispense pas de l’utilisation de
capacités de découplage dans le PA. L’absence de découplages suffisants peut se
traduire par l’apparition de surtensions dues à l’inductance des câbles (environ
1µH par mètre).
Utilisation – mode d’emploi
La configuration de mesure dépend du matériel dont on dispose et de la fréquence à laquelle on va travailler. Dans tous les cas, il faudra disposer d’une charge 50Ω capable d’absorber la puissance nominale de l’amplificateur en test et d’un moyen de mesure de la puissance. Pour les bandes basses (du décamétrique au 2m), un simple wattmètre peut suffire. Pour les bandes supérieures, un analyseur de spectre est quasiment indispensable.
Configuration minimale (bandes basses uniquement)
Nous aurons besoin d’un générateur RF connecté à l’entrée RFin
du pulseur. Attention, ne pas dépasser 20dBm (100mW), dans la pratique il est
conseillé de se limiter à 10 - 13 dBm. La sortie RFout du pulseur sera connectée
à l’entrée du PA soit directement, soit via un petit amplificateur permettant de
relever le niveau pour l’amener à environ 80% de l’excitation nécessaire pour
l’obtention de la puissance maximale du PA. Si cet amplificateur intermédiaire
est largement dimensionné, il est fortement conseillé de le sous-alimenter de
manière à ce qu’il ne puisse pas délivrer plus que ce que le PA peut accepter
(notamment avec des PA à LDMOS qui sont très sensibles aux surcharges). On
intercalera avantageusement entre l’ampli auxiliaire et l’entrée du PA un
wattmètre directionnel permettant de visualiser la puissance directe et la
puissance réfléchie. L’amplificateur auxiliaire pourra être alimenté par le 12V
pulsé, mais ce n’est pas obligatoire comme indiqué précédemment. C’est notamment
le cas lorsque cet ampli fonctionne sous une tension différente de 12V.
La sortie du PA sera reliée à la charge via un wattmètre ou tout autre
dispositif de mesure de la puissance.
Le réglage du rapport cyclique s’effectue de la manière
suivante:
Si l’on dispose d’un oscilloscope, le brancher sur la sortie +12V pulsé.
Relier la sortie synchro du pulseur à l’entrée synchro extérieure de
l’oscilloscope.
Régler la fréquence de découpage pour que la période fasse exactement 10
carreaux sur l’écran de l’oscilloscope. Compter le nombre de carreaux pendant
lesquels le signal est à +12V. Un carreau correspond alors à 10% de rapport
cyclique (même procédure avec un analyseur de spectre).
Si l’on ne dispose pas d’un oscilloscope, mesurer la tension d’alimentation Vcc
(généralement +12V) et la tension Vpulsé présente sur la sortie « +12V pulsé »
à l’aide d’un multimètre. Faire le calcul :
Rapport cyclique = Vpulsé/Vcc.
Commencer toujours les réglages avec un rapport cyclique faible, 10% maximum
pour la première mise sous tension et puissance d’excitation à 50% de la valeur
nominale.
Il ne reste plus qu’à alimenter l’ensemble et à procéder aux
réglages de manière classique, maximum de puissance de sortie pour un minimum de
puissance réfléchie à l’entrée.
Tous les paramètres que vous mesurez sont à diviser par le rapport cyclique. Par
exemple si vous mesurez 6W en sortie et une consommation de 1A avec 10% de
rapport cyclique, cela veut dire qu’en réalité la puissance de sortie est de 60W
et le courant consommé de 10A. En revanche, le radiateur chauffera 10 fois
moins !
Configuration avec analyseur de spectre
Le principe est le même, mais nous allons utiliser un
analyseur de spectre pour mesurer la puissance.
Un coupleur directionnel étalonné est placé à l’entrée du PA et un autre en
sortie. Les relier à l’analyseur en ajoutant éventuellement des atténuateurs
pour ne jamais en saturer l’entrée. Sur les fréquences élevées, utiliser des
câbles dont la perte d’insertion a été mesurée. Faire un étalonnage très précis.
La figure 7 montre une copie d’écran de la sortie RFout
Figure 7 - Copie d’écran de l’analyseur
Configurer l’analyseur de spectre de la manière suivante (cas d’un analyseur HP/Agilent ) :
1- MENU FREQUENCY
Régler la fréquence centrale à la valeur de travail (celle du générateur RF)
2- MENU SPAN
Passer en SPAN ZERO
3- MENU TRIG
Mettre sur EXTERNAL et relier l’entrée TRIG de l’analyseur à la sortie Synchro
du pulseur.
4- MENU SWEEP
Choisir la durée de balayage, par exemple 10ms, et ajuster la fréquence de
découpage en conséquence pour voir à l’écran, une, deux ou trois périodes, pas
plus. Vérifier le rapport cyclique, puis diminuer la durée de balayage pour que
l’impulsion occupe au moins 3 carreaux sur l’écran de l’analyseur de manière à
avoir une bonne précision de lecture
5- MENU AMPLITUDE
Ajuster le niveau de référence en tenant compte de la puissance à mesurer et de
l’atténuation du coupleur, des câbles et des éventuels atténuateurs connectés.
Une phase de calibration préalable est impérative comme indiqué précédemment.
Travailler avec une échelle dilatée, 1 ou 2 dB par carreau si possible.
6- MENU BW
Il faut impérativement que l’analyseur soit configuré pour la bande passante la
plus large possible, afin de ne pas manquer un éventuel overshoot ou parasite
pouvant survenir à l’établissement de l’impulsion.
Si l’analyseur dispose d’un générateur de tracking, on
l’utilisera avantageusement à la place du générateur RF.
Il est commode de pouvoir lire directement la puissance en Watts. Procéder alors
de la manière suivante:
Dans le menu AMPLITUDE, régler l’offset de la ligne de référence en fonction de
la calibration effectuée précédemment et choisir l’affichage en W.
Conclusion
La mise au point d’un amplificateur RF de puissance en régime
pulsé apporte une sécurité et une tranquillité d’esprit inégalée. Le circuit
présenté peut être décliné de diverses façons et chacun pourra s’en inspirer. Il
est possible par exemple de remplacer le switch RF par un atténuateur à diodes
PIN.
L’auteur tient à remercier spécialement F6BVA à l’origine de ce projet ainsi que
tous ceux qui ont bien voulu relire ce papier et lui faire part de leurs
commentaires forts judicieux.
Les typons sont disponibles au format ARES
Figure 8 - Schéma du pulseur
Téléchargements
Typon du circuit imprimé au format ARES
dernière mise à jour le 11 mai 2015
73 de Joël F6CSX